"L'aide ne doit pas aller dans les mains de la corruption."

Publié le 13 Août 2020

Jeanne et son mari Georges tiennent un café à la place centrale du village. Ce matin, leur ami François vient les voir. Impossible de s'embrasser par les temps qui courent, alors ils se disent bonjour de loin. Ensuite François commande son café et s'installe au comptoir. Il pose le journal qu'il vient d'acheter au tabac d'à côté devant Georges d'un air agacé.

François : Quel toupet, celui-là! Aller chez des gens et leur tenir ce genre de propos.

Georges : De qui parles-tu?

François : De ton Président, voyons! Tu ne vois pas qu'il est allé au Liban après l'explosion d'il y a deux jours et a fait une déclaration pour le moins surprenante?

Georges : Il y est allé pour leur apporter le soutien de la France, est-ce bien ça?

François : C'est tout à fait ça, oui. Et c'est tout à son honneur, puis qu'il est le seul président à s'y rendre. Mais là où je ne suis pas d'accord, c'est quand il déclare que "l'aide de la France ira au peuple et non au pouvoir....". Tu ne trouves pas que c'est un peu déplacé?

Georges : Ces choses là ne se disent pas à la légère. s'il a osé le faire, c'est qu'il y a bien une raison. Et après tout, c'est bien le peuple qui en le plus besoin, non?

François : Tu as parfaitement raison, mais n'oublie pas que le Liban est un pays indépendant et ses gouvernants ont le droit d'avoir un regard sur ce qu'il se passe chez eux. Il n'appartient quand même pas à un autre Etat de leur dire ce qu'ils doivent faire. 

Un client s'installe à la terrasse. Georges va prendre sa commande puis revient derrière le bar et reprend la discussion.

Georges : A ce qu'il parait , ces dirigeants dont tu parles n'ont pas toujours les "mains très propres". D'après les informations, l'économie du pays est déjà au plus mal depuis plusieurs mois du fait de la corruption et de la mauvaise gestion.

Francis : Je ne comprends pas ces politiques. Pourquoi soulever la question maintenant? Et surtout pourquoi ne pas demander à ces gens qui se sont enrichis indûment de mettre ces ressources à la disposition des sinistrés? Cet argent qu'ils se sont accaparé depuis tant d'années devraient bien être quelque part, non?

Georges : Qu'est-ce que j'en sais? Cette communauté internationale qu'on mobilise tout le temps est bel et bien au courant de ces pratiques mais elle ferme les yeux pendant que le peuple souffre en silence. A chaque catastrophe, elle se mobilise pour déverser de l'aide qui, je paris, sera encore et toujours détournée. Le mécanisme est rodé. C'est toujours la même rengaine!

Jeanne qui suivait la discussion jusque là sans dire mot, s'insurge. 

Jeanne : Vous avez bien entendu parler de ce qu'il s'est passé en Tunisie au moment de la chute de son président? Je ne sais même plus comment il s'appelle celui-là, d'ailleurs.

Il parait que des caches d'argent remplis de devises étrangères ont été découverts après son départ.

Georges : Mon cher François, tu vois de quoi ils sont capables? Comment peuvent-ils accumuler autant de richesse et rester sourd face à la souffrance de leur peuple?

François baisse la tête un moment comme pour retrouver le fil de ses idées. Il se redresse et commande un deuxième café puis relance la discussion.

François : Tout ça est absurde. Pendant combien de temps va-t-on encore s'accommoder de ça?

Georges : Attends, c'est pas fini! Il y a de cela quelques jours, je discutais de ces choses avec un de mes clients. Il m'a dit de ces choses qui font froid dans le dos. Il m'a parlé d'un pays où les billets de banque étaient entassés dans des pièces et quand ils étaient rongés par les termites, ils étaient tout simplement jetés pour être remplacés par de nouveaux.

Jeanne : Quoi? Drôle de conception! Laisser l'argent dormir dans des trous au lieu de l'investir pour créer de la richesse! Et pendant ce temps, le peuple meurt à petit feu, dans l'indifférence.

Georges : Eh oui, quand ils ne le laissent pas dormir dans des trous, ils le mettent dans des banques à l'étranger, y compris chez nous où ils possèdent des villas cossus. Mais les dirigeants ne sont pas les seuls à agir ainsi. Tous les pans de la société sont concernés. En fait, l'idée est simple. Si les chefs se le permettent alors pourquoi pas nous? A tel point que celui qui est nommé à un poste dans l'administration et qui ne se sert pas comme il se doit est considéré comme "bête". C'est devenu la norme. Par où veux-tu donc commencer pour éradiquer le phénomène?

François : C'est inadmissible de laisser les gens mourir à petit feu. Cela devrait être considéré comme un crime contre l'humanité et toutes ces personnes devraient être non seulement punies mais définitivement écartées du pouvoir. Je ne comprends pas comment et pourquoi on leur donne tant de crédit. Ils viennent pavaner ici chez nous dans le luxe et l'opulence pendant que des tragédies se jouent en silence dans leurs pays. 

 

 

 

 

 

 

 

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